Nous recevons parfois des adultes en immersion qui viennent découvrir et vivre le fonctionnement de notre école, pendant une semaine ou plus. Pierre fut notre première rencontre, et quelle rencontre !

Après 32 années au sein de l’Éducation nationale, j’enseigne aujourd’hui l’Histoire-Géographie-EMC et l’Éducation Musicale, en tant que professeur principal auprès de 3èmes.

Responsable de dispositifs d’accompagnement d’élèves en difficulté, j’ai lancé et animé deux classes « Trombone », qui « adaptaient l’école aux élèves » en leur laissant choisir, à raison d’une dizaine d’heures par semaine, les contenus abordés à côté d’un tronc commun de 15 heures « traditionnelles ». L’expérience pris fin après 2 ans, par manque de motivation d’une grande partie de l’équipe pédagogique, et ce malgré le soutien indéfectible de la direction.

Durant mon parcours professionnel, j’ai été sollicité pour former de 1995 à 2004 des enseignants, puis j’ai dirigé le centre de formation jusqu’en 2009, date à laquelle j’ai démissionné pour retourner sur le terrain du collège.

En effet, je pensais que le meilleur moyen de réformer l’institution était d’agir à la source, par le biais de la formation initiale et continue des enseignants, mais je me suis vite rendu compte de la force d’inertie qui absorbe systématiquement toute nouvelle recrue, aussi bien disposée soit-elle au départ !

Malgré tous les dispositifs et toutes les bonnes volontés, force m’est de constater que mon énergie n’était pas bien employée. J’ai décidé en septembre 2017 de chercher à rejoindre un réseau d’éducation alternative.

J’ai contacté plusieurs écoles démocratiques, dont Les (H)êtres, qui ont répondu positivement à ma demande d’immersion et m’ont permis de me plonger durant une semaine dans le quotidien de leur association et de celui des membres de l’équipe et des élèves.

Cette semaine m’a conforté dans l’idée que cette voie radicalement différente permet d’accompagner les enfants dans leurs apprentissages. J’ai pu constater que les laisser « libres » de jouer, tous âges confondus, d’organiser eux-mêmes leurs journées, de prendre leurs décisions et de gérer les conflits ensemble, était source de construction de savoir-être, de savoir-faire, d’une qualité au moins égale, sinon supérieure à celle que j’obtiens avec beaucoup de labeur en classe traditionnelle.

Nul besoin de « perfusion » de motivation, juste du « lâcher-prise » au niveau de l’adulte. Je crois que ce “lâcher-prise” est ce qui m’a demandé le plus gros travail « sur moi » pendant toute cette semaine ! L’engouement naturel des enfants fait la différence. Ils viennent solliciter l’adulte quand ils en ont besoin et se débrouillent tellement bien tous seuls ! Il faut juste apprendre à leur faire confiance !

J’ai aussi rencontré une équipe de personnes qui pratique une autre approche de l’enfant, empathique, bienveillante, et ce ne sont pas que des mots. Là aussi, je crois vraiment que c’est cette piste qu’il faut suivre pour entrer en relation avec l’autre, cet enfant que l’on oublie souvent de considérer comme une personne à part entière ! Pour terminer, je ne dirai qu’une chose : c’est cela et uniquement cela que je veux désormais vivre professionnellement !